-
janvier
Newsletter de janvier 2024
Bonjour à tous chers amis,
Aujourd'hui, après 3 mois de réflexion, Patience qui porte bien son nom, a décidé de rester enseigner la permaculture à l école! C une grande et belle nouvelle!
Comme c'est un homme posé, il voulait savoir si ça lui plairait vraiment la permaculture, enseigner dans ce village au bord du Kivu, longeant la RDC compliquée, dangereuse, un mélange de beauté et de rejet, de contrastes des embarcations traditionnelles, de petits pêcheurs croisant dans leur barque des motos nautiques, des petites boutiques et des hôtels de luxe, où viennent se rajouter les bourgeois de la capitale qui viennent s'éclater les weekend, les baffles à fond...
Avec les enfants et les jeunes campagnards derrière les grillages écoutant le bruit de ce rap dégénéré, un DJ obèse, inculte, ignorant tout de la musique de son pays, copiant les USA, et leurs clips débiles, ces jeunes regardent avec sidération et envie ces hommes et ces femmes aux chapeaux et aux manières pseudo libérées, buvant et mangeant en une fois poissons, brochettes de viande et mets variés plus que ces enfants toute leur jeune vie, les yeux ouverts devant leur lac impassible et vert turquoise plus beau que tout ce bling bling!
Patience a accepté de rester dans ce lieu magique et rude a la fois!
C'est avec joie que je veux collaborer avec lui. Sérieux, motivé, dynamique, plein d'idées, il a déjà triplé la surface de la pépinière, amené une plante que je ne connaissais pas et qui fortifie. Il connaît bien les enfants, il va jusque dans leur famille pour se rendre compte de leurs besoins et de leur vécu, leur offre une séance salon de coiffure, exigée avant de pouvoir aller à l’école!
Une anecdote révélatrice : Erissa allait à l'école depuis des années la colère au ventre et se bagarrait pour renvoyer sa rage de ne pas connaître son papa ....et de voir sa maman avec un 7e enfant, sans père et sa sœur qui vient d’avoir son 1er ...seule aussi. Lui dans la pauvreté et ses rêves d'ado ne comprend rien.
Et le voici qui a triplé son pourcentage de son bulletin depuis que Patience a parlé à son enseignant... ils se sont concertés pour le soutenir ... Il ne se bat plus.... je lui ai demandé si la colère est partie, s’il se sent mieux. Il me répond qu’il a compris, qu’il ne volera plus. Nous l’encourageons à tenir au moins jusqu'à sa sixième primaire. Après il fera un merveilleux jardinier car il est très doué et ne devra plus mendier ni voler...il aura un métier, il deviendra jardinier!
Patience a parlé aussi à d'autres enfants, à Mababa par exemple, qui veut dire plume tellement il est mince, il vit avec 12 frères et sœurs dans sa famille rurale... alors que la pilule est en vente libre - quasi gratuite - mais le calcul des jours c'est une autre paire de manche, une plaie.
Dès lors, les enfants qui n'ont pas cette affection viennent nombreux écouter ses leçons. Paisiblement il leur montre les graines, il leur achète de quoi manger ou un uniforme souvent sans me réclamer l'argent et téléphone à l'enseignant. La chemise de Gatoto qui était déchirée dans le dos au niveau des épaules à été recousue à 500 Rwf. On a juste remplacé la pièce des épaules...
Lui-même vit de manière humble et simple. Il fait pousser un chou particulier qu'il a amené chez nous, toujours positif
et à m’encourager dès que je perds la force.
Il est très droit et d'une douceur incroyable avec les enfants et connaît chacun d'eux. Avec tact il leur parle d'école libre et d'avenir.
Grâce à lui, notre "Ferme-école" a pu retrouver sa vigueur, sa ferveur, son moteur.
Il a trouvé un chemin alternatif à flanc de colline qui mène de l’école de jardinage vers Inzu ya Bose, la Maison pour tous, là où je vais retourner habiter d'ici quelques jours.
C’est la 6ème fois que je déménage, heureuse d'y retourner. Une invasion de milliers d'insectes m’a fait m’encourir il y a quelques jours. Le problème semble à présent résolu.
Patience est aussi un bon papa qui veille sur ses enfants et les suit de près dans leur scolarité. Il ne mange chez lui que la production de son jardin et s’en contente car elle est suffisamment variée et nutritive. Ce mode de vie constitue un bel exemple pour les jeunes et lui donne un savoir-faire précieux.
Depuis qu’il travaille pour Sarahmoon, en octobre, il n’a pas encore accepté d’être payé. Il voulait s’assurer qu’il convenait dans ce nouveau job. Pour l’encourager dans ses longs déplacements depuis Gisenyi, près du marché, on lui ai payé un vélo. Il gagne deux fois plus de temps pour arriver au village. Il est ponctuel et ne repart que lorsque le travail commencé est terminé. Sans lui je n’aurais pu tenir tout ça. C’est vraiment une perle précieuse et mon nouveau bras droit un bon gars!
Il est sur le point de signer son contrat avec Sarahmoon. Grâce au nouveau sentier découvert par ses soins, le prochain projet est de rouvrir Inzu ya bose, avec un accueil d’enfants de tous les âges, un atelier de peinture mené par Eric, des ateliers de musique, de danse et de chant, de sport, d’apprentissage des langues, du calcul, ainsi qu'une école de devoirs. Le défi sera d’alterner entre les deux implantations qui sont à 10 minutes de marche sur le trajet qui longe la colline avec un faible dénivelé.
Outre le problème d’érosion qui rabote les pentes, une autre chose qui me préoccupe est la prolifération de lierres du Caire, plante invasive qui étouffe la belle végétation des bords du lac, envahit les collines en fragilisant les pentes et menace même les cultures vivrières. A ce sujet, j’ai écrit au Maire, au chef de District et même à la Ministre de l’agriculture pour les mettre en garde et les pousser à prendre le problème à bras le corps avant que les dégâts ne soient irréversibles. Pourquoi pas des journées d’Umuganda, travail communautaire mensuel, consacrées à l’arrachage méthodique de cette plante parasite ?
Le lien avec l’objectif de l’école de jardinage est évident et refuser de voir ce problème équivaut à la longue à laisser saper l’avenir de notre formation et la base de notre écolage qui est la fécondité naturelle du sol de cette région. On verra ce que ça donne.
Pas besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.
Fabrice va bien et est toujours chez sa maman. Il n'a pas encore pu aller à l'école après avoir été malade. Sa maman se préoccupe vraiment de lui. Si on lui donne un uniforme, il risque de le vendre pour repartir en taxi moto, comme il a déjà fait plusieurs fois. Nous allons contacter son instituteur pour lui demander d’avoir un œil sur lui.
Pour ma part, j'essaie d'apprendre le Kinyarwanda. J'ai acheté mon troisième dictionnaire, à chaque fois perdu, volé ou distribué. Ici il n'y a pas de cours et Kigali est trop loin. Je connais un vocabulaire de base, mais n’arrive pas à me familiariser avec la grammaire, très difficile et nuancée.
Les filles commencent à venir aussi, bientôt la parité?
Bises
ChanMoon
-
Commentaires